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D'arrache-pied
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7 novembre 2005

Minuit. Paris s’écorche. On quitte la périphérie.

Minuit. Paris s’écorche. On quitte la périphérie. Je vais avoir froid. Dans la voiture, tu chantes. Je dors. Hexagone sur ta nuque, tu fumes comme un pompier. Même moi, j’abdique au tabac, c’est pour dire, comme tu es nicotine. A trois heures du matin, nuit noire, étoilée avec des nuages perchés à califourchon sur de la masse couleur ouate. J’ai niqué mes bottes dans du sable glacé, à Deauville, on dirait un décor blanc, foutu. Mes pieds sont dans ta bouche ou dans la mer, lac gelé, des vagues qui mangent mes cheveux. Dans une éclaircie fidèle, je goûte le vent, tu filtres la brise. Trois heures Paris Deauville, j’ai froid. Et puis on fume des clopes, à l’arrachée, pour se tenir chaud devant des planches bien trop lisses. Même moi, j’abdique. Tu ris. Je n’aime pas Deauville, pas cette mer là. La brise. Oui. Il pleut. Bagnole. Je veux mettre un gyrophare et mon dos klaxonne dans la nuit, aux à coups de tes mains qui brisent mes seins. J’attrape une crampe.

Aube verte à Honfleur. Nous ne faisons pas l’amour dans un hôtel miteux. Je suis contre ta nuque, exténuée. Je ne m’excuse pas. Tu bois du café gris et mois je ris blanc. Sur le port, de grosses brioches dorées, on parle peu.

Ce matin, je hurle dans ta voiture, tu me tiens les poignets, et je hurle en furie, poignée, l’embouteillage, tu as les yeux fatigués, jusqu’aux pieds, avant d’aller massacrer des pédophiles, tu cris et moi je hurle, au ralenti, fatigué de tabasser les gardes à vue, et moi sur les bagnoles qui ralentissent, je frappe contre les tôles, crachant sous les soleils opaques qui m’enlèvent ton corps plissé, pour un matin, contre les rails cracheurs, infâmes, mon retard, je hurle et toi tu cris, dehors, embouteillage, je file à toute allure, tu claques la portière, on bouchonne à pleins poumons, les autres klaxonnent à feu, à sang, tu es debout, tu es beau, je crois, fatigué, déjà, au milieu, grand, surplombant, et moi je hurle, j’abats les tôles, la ville, tu hurles, respire, tu as les bras en l’air, comme un marin et les autres qui bondissent, partout, respire, et tu ris si fort, alors on salive, au dessus des voitures, ton bras sur ma nuque, on bouchonne, et s’embrasse, on caresse devant les passages piétons, boulangeries, voyages, banquiers, criards, affaires, tes bras, là bas, comme un gardien, un phare, un morse dans ta bouche en cheval, morsure, respire, et moi je hurle toujours, mais cette fois de rage, les feux à sang à froid qui ébouriffent les piétons, et moi je hurle en respirant, parfois ça égosille, ils tabassent les rues, la voiture, ils t’insultent, lundi infernal, et toi, tu restes grand, tu ploies sous leurs dents, seulement les mains au dessus de la bagnole, qui m’accrochent, le nez et le rein, tu caresses dans la rue, tu fais l’amour comme ça, sur moi, à moitié fou sur un passage piéton et moi je hurle et toi tu cris, les autres klaxonnent à flots, à sang.

Samedi à Honfleur, il y avait bien une mouette. On lui avait coupé la patte. Je pense à tes mains. Elles sont calleuses.

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Commentaires
K
Quelques phrases assénées et je suis déjà sous le charme!
Z
Inutlie commentaire. Juste pour dire.<br /> Nothing.
J
"Un homme et une femme" refilmé par le Cronenberg de "Crash".<br /> <br /> J'aime toujours autant.
P
Voila un site comme je les aime.<br /> Des textes concis, courts, beaux.<br /> Je ne peux dire que bravo a tout cela.<br /> Etonnant.
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