LE PLACENTA
Odéon,
11h56
Mon amour,
Salopard,
J’ai usé les rues, elles ressemblent à des caniveaux, des gouttières sales et mièvres.
Le placenta. Entre mes mains, enfin, toucher au cœur même de l’enfance. Celle que j’ai étouffé dans un cordon ombilical bleu. Hier, au jardin du Luxembourg, je me suis souvenue d’un été pâle, d’un été gris avec un soleil qui chevauchait un ciel malade. J’avais ta main dans ma poche, je faisais des trous, tu riais. Tu riais. Hier, encore, j’ai craché sur les lampadaires, j’avais la salive dans la molaire. C’ était laid. Je m’en fiche. Rien ne compte. L’ostéopathe me dit criarde, il me manque un muscle ou peut être un tendon. Les raisons de mon abrutissement sans doute. J’ai envie. C’est déjà la démarque, la ligne contradictoire qui laisse un fossé entre nous. Entre mes mains, le placenta. Le notre est pathétique. Il est rongé jusqu’à l’os, jusqu’à la moelle. C’est un placenta pauvre. Un placenta décharné. Ce n’est pas de ta faute. La mienne y est sans doute trop. Je gâche. J’ai envie, soudain, de délaisser les contrées maladives, les tiennes, pleines de boue, à l’ambiguïté ambiante.
Il pleut.
Je ne veux plus quitter Paris. Elle n’a pas ton odeur. Elle n’imprègne plus. C’est poreux. J’aime.
J’aime te voir partir de mon cœur, en avorton.
Toujours en revenir à la source. L’aiguille. Tout commence dans mon ventre, pendant l’acte. Je ne suis pas sexuelle.
Mammifère non. Je ne suis rien. Pas à tes yeux. Ou à l’ombre des paupières, il y a toujours un abri. J’ai peur. Avant non, tu étais cette connerie de carapace, bouclier contre les autres, la merde, mes dents, la pluie, la morsure. Le cri.
Aujourd’hui j’ai peur. Peur de ne pas savoir de quoi il s’agit.
Poubelles éventrées, rue contre un caniche malade. J’ai jeté notre placenta. Il a un an aujourd’hui. Les chiens le mangeront.